ASILE CLIMATIQUE : L’AUSTRALIE ET LES TUVALU EN PASSE DE SIGNER UN ACCORD

«Pour les Tuvaluans, ce pacte, c’est un peu comme un masque à oxygène dans un avion. Vous espérez qu’il ne tombe jamais, mais si vous en avez besoin, vous êtes très content qu’il soit là», exprimait en 2023 Jane McAdam, la directrice du Centre Kaldor de droit international pour les réfugiés, évoquant un texte «fondateur», «le premier accord qui s’attaque spécifiquement à la mobilité climatique».

Depuis novembre, l’Australie et les Tuvalu se rapprochent d’un traité qui vise à offrir un refuge climatique aux citoyens de ce petit archipel du Pacifique, menacé d’ici la fin du siècle d’être englouti par les eaux.

Ce pacte a été présenté mardi 26 mars au Parlement australien, et vise à défendre les 11 000 Tuvaluans en cas de catastrophes naturelles, de pandémies et d’«agressions militaires», mais uniquement à la demande de Tuvalu. Chaque année, 280 d’entre eux se verront offrir un visa spécial leur permettant de «vivre, travailler et étudier en Australie», ainsi qu’un accès aux systèmes de santé, d’éducation, et une aide financière. Cette nation du Pacifique s’apprête désormais à entreprendre un processus de consultation interne pour ratifier et mettre en œuvre ce traité.

Baptisé Union Falepili, ce traité bilatéral avait été initialement rendu public en novembre, mais l’Australie était en attente de la confirmation du nouveau Premier ministre, Feleti Teo, pour le mettre en œuvre. L’article 4 du traité avait suscité des inquiétudes, car il donne à Canberra un droit de regard sur les pactes de sécurité que les Tuvalu peuvent signer avec d’autres pays. Selon le gouvernement de l’archipel, il est susceptible de menacer «l’intégrité de la souveraineté des Tuvalu».

Pour l’Australie, qui s’oppose aux tentatives de la Chine d’étendre son influence en matière de sécurité dans le Pacifique, cette clause est considérée comme une victoire stratégique importante. En juillet, Pékin avait en effet signé un partenariat avec les îles Salomon, situées à l’ouest de Tuvalu, autorisant le déploiement de forces armées chinoises sur leur territoire. Si l’Australie est soupçonnée de ne suivre que ses intérêts stratégiques dans la région en passant cet accord, le ministre australien du Pacifique, Pat Conroy, affirme qu’il vise «à préserver» l’avenir de l’Etat Tuvalu.

«C’est une situation catastrophique»

Et pour ce petit archipel à fleur d’eau, d’une hauteur moyenne inférieure à 2 mètres au-dessus du niveau de la mer, et qui a déjà perdu deux de ses neuf récifs coralliens, ce pacte est une bouffée d’oxygène dans cette région du monde où la crise climatique représente une menace existentielle. A l’occasion de la COP26 en 2021, Simon Kofe, le ministre tuvaluan des Affaires étrangères, avait marqué les esprits en prononçant un discours depuis l’archipel, les pieds dans l’eau, pour alerter sur la montée des océans qui touche les Etats insulaires du Pacifique.

Le sujet a également été au cœur de la COP28 à Dubaï sur le climat en 2023. Si la hausse des températures moyennes mondiales n’est pas maintenue sous la barre des 1,5°C, 95% des Tuvalu, surnommées «sinking islands» («les îles qui sombrent»), d’une superficie de 26 kilomètres carrés, pourraient être engloutis d’ici à 2100 par des grandes marées périodiques. «Mon pays, en première ligne face au changement climatique, est le plus vulnérable du monde. La montée des eaux érode déjà notre terre et nos plus petites îles disparaissent, submergées. L’eau salée, qui s’infiltre dans les plantations et les cultures, les détruit. C’est une situation catastrophique pour nous», confiait alors à Libération le ministre des Finances et du Changement climatique des Tuvalu, Seve Paeniu.

Pourtant, la majorité des habitants de l’archipel, attaché à son identité et héritage culturel, ne veut pas partir. Une fois cet accord bilatéral entériné, ce sera donc à chaque citoyen de choisir s’il souhaite, ou non, solliciter l’Australie pour s’y installer définitivement.

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