ENTRETIEN. POUR CAROLINE LEBOUCHER, DIRECTRICE D’ATOUT FRANCE, NETFLIX A UN EFFET SUR LE TOURISME

L’Irlande a connu « Game of Thrones », la Nouvelle-Zélande « Le Seigneur des anneaux » et « Le Hobbit »… Désormais, ce sont les séries Netflix qui sont à l’honneur. Se promener sur les traces d’Emily à Paris, d’Arsène Lupin à Étretat ou encore d’Alex (Adèle Exarchopoulos dans « Voleuses ») au cœur de la forêt de Rambouillet, c’est ce que cherche à rendre possible Netflix en s’alliant ce jeudi 1er février 2024 à Atout France, l’agence de développement touristique national.

Netflix dévoile ce jeudi 1er février 2024 son partenariat avec l’agence de développement touristique Atout France. Cinquante lieux de tournage sont ainsi rassemblés sur une carte interactive et regroupés en circuits thématiques, tous disponibles sur netflix-en-france.fr .

Commandée par la plateforme, une étude réalisée par Basis (auprès de spectateurs américains, japonais et allemands) révèle qu’une personne sur deux ayant regardé un contenu français sur Netflix a envie de venir découvrir la France. Une conclusion soutenue par le Centre national du cinéma, dont une récente étude avec l’Ifop détaille les effets des films et fictions françaises ou se déroulant en France sur les touristes.

Caroline Leboucher, directrice générale d’Atout France, nous a accordé un entretien à l’occasion de la publication de l’étude.

Comment cette idée de partenariat est-elle née ?

Pendant la pandémie, les mobilités étaient très restreintes. On s’est rendu compte qu’il se passait quelque chose sur le marché américain où il y avait un très grand engouement pour les lieux touristiques français. Ça correspondait au moment où sont sorties les premières saisons d’Emily in Paris ou Lupin.

Est-ce le même effet qu’a connu l’Irlande ces dernières années, grâce entre autres aux tournages de Game of Thrones ou dernièrement le film Donjons et Dragons  ?

Oui, tout comme il y a eu Le Seigneur des anneaux en Nouvelle-Zélande. En France, on a déjà eu de nombreux exemples. Beaucoup de films dans les années 1950 et 1960, avec notamment Audrey Hepburn en figure de proue, ont donné envie, à l’international, de découvrir la France. Je pense aux Américains, mais aussi aux Japonais. Il y a eu également le Da Vinci Code, le film et le livre. Aujourd’hui, il y a toujours des circuits touristiques qui lui sont spécifiques et des agences spécialisées. Les touristes veulent aller sur les pas des acteurs, c’est notamment grâce au film que l’église Saint-Sulpice a connu un regain de popularité. On peut également citer Amélie Poulain.

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Pourquoi avoir choisi de limiter l’étude aux Américains, aux Allemands et aux Japonais ?

Les principaux marchés touristiques internationaux de la France sont les États-Unis et le Japon. Et au sein de l’Europe, l’Allemagne est le premier pays de l’Union européenne en termes de population, et il reste l’un de nos principaux marchés avec le Royaume-Uni et la Belgique.

La carte et les guides présents sur le site internet seront-ils évolutifs si de nouvelles productions Netflix sont tournées en France ?

Oui, c’est ce qu’on prévoit dans notre lettre d’intention. Afin de pouvoir valoriser au fur à mesure les futures productions avec des lieux de tournage en France.

La vision de Netflix et de ses productions représente-t-elle fidèlement la France ?

Je ne suis pas sûre qu’il y ait une seule vision de la France dans les productions Netflix. Il y a plus d’une vingtaine de séries ou de tournages chaque année. Et entre la France d’ Emily in Paris , la France qu’on voit dans The Crown, la France de Lupin , de Voleuses ou de Toute la lumière que nous ne pouvons voir, il n’y a pas la même vision. C’est une France assez diversifiée. C’est à l’image de ce que les visiteurs viennent chercher. Certains viennent pour la diversité et la beauté des paysages, il y a les foodies qui viennent pour la gastronomie française, ceux qui viennent pour le patrimoine, l’histoire, les musées… Il y a beaucoup de façons différentes d’aborder la France.

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Les intrigues des films et séries sur la France ne sont-elles pas romancées ?

Sur certains de nos marchés touristiques, en Chine, au Japon, en Corée ou aux États-Unis, c’est vrai, la France représente le romantisme. C’est le pays de l’amour. Et tant mieux. La romance est un ressort dans beaucoup de comédies ou de films divertissants. Mais ce n’est pas vrai dans tous les films, et ce n’est pas vrai dans toutes les séries. C’est vrai dans Emily in Paris mais ce n’est pas le cas dans Lupin. Il y a aussi ce regard décalé à la fois sur la culture française et la culture américaine. Et même, la romance permet au passage de saisir la diversité des paysages, de l’architecture, de la gastronomie, de l’art de vivre. Et finalement, c’est ce qui nous intéresse, au-delà de la romance.

Paris représente-t-il la France ?

C’est vrai que Paris, à l’international, est la première destination, la ville que tout le monde rêve de visiter. Mais heureusement, nous avons des visiteurs internationaux dans absolument toutes les régions françaises, en métropole, en Corse, dans les territoires d’outre mer. C’est pour cela qu’avec Netflix, nous n’avons pas mis que Paris en avant. Il y a par exemple le Sud, l’Occitanie, l’Ouest, la Normandie, Le Mans, la Champagne… Donc il n’y a pas que Paris, même si ça reste évidemment la ville star.

Ne craignez-vous pas un effet négatif de cette incitation au tourisme ?

C’est en partie pour cela que nous sommes très vigilants à disperser les flux touristiques et notamment à protéger les sites qui souffrent de pics de fréquentation. Il y a eu les champs de lavande en Provence, mais ce n’était pas lié à Netflix, au contraire de la fréquentation à Étretat. Le site a connu un regain d’intérêt après la diffusion de la série Lupin , dont une partie des épisodes se déroulent, comme les livres d’ailleurs, à Étretat. Nous avons été très attentifs à cela. Étretat par exemple ne figure pas dans notre guide numérique. Nous avons été vigilants à ne pas mettre en avant des destinations qui n’auraient pas souhaité l’être. Chaque destination qui figure dans ce guide numérique et sur la carte interactive a été interrogée pour vérifier si elle était bien d’accord pour être présente.

Comment éviter en amont de se trouver dans ce genre de situations ?

Sur le site, nous donnons des conseils sur ce qu’il faut ou qu’il ne faut pas faire, que ce soit des musées ou que ce soit des villes. Par exemple, le Mont Saint-Michel, c’est sûr qu’y aller le 15 août, c’est une très mauvaise idée, sauf peut-être si vous y allez très tôt le matin ou très tard le soir. En tout cas, on a été très attentif à éviter une surmédiatisation de nouveaux sites par le biais de cette carte, de ce guide interactif.

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