« On devait partir début 2020, on a annulé et reprogrammé plusieurs fois, et on risque de devoir encore le faire… ». À l’autre bout du téléphone, Anthony soupire. Ce jeune homme de 29 ans, vendeur de boulangerie, qui vit à Liège (Belgique), compte se rendre aux États-Unis en avril pour « un road-trip sur la côte Est » avec sa compagne. Mais le jeune couple pourrait bien en être empêché. La raison ? Ni l’un ni l’autre ne sont vaccinés contre le Covid-19, condition toujours requise pour se rendre au pays de l’Oncle Sam. Le Covid a beau être relégué au passé pour l’immense majorité de la population — l’Organisation mondiale de la santé prévoir de lever prochainement son plus haut niveau d’alerte — quelques rares pays imposent toujours aux voyageurs étrangers d’avoir reçu au moins deux doses, s’ils veulent franchir la frontière. Parmi eux, le ministère des Affaires étrangères mentionne l’Angola, le Pakistan… ainsi que les États-Unis. Pas d’exception pour Djokovic Pour être précis, les enfants, les résidents permanents, ceux pour qui l’injection est contre-indiquée ou bien ceux qui doivent voyager pour des raisons d’urgence ou humanitaires ne sont pas concernés par cette obligation. Le numéro 1 mondial de tennis, Novak Djokovic, en paie lui aussi le prix. Non-vacciné, il ne participera pas au Masters 1000 de Miami, qui débute ce mercredi. Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, farouche opposant aux restrictions sanitaires, a plaidé sa cause et écrit au président américain Joe Biden. Sans succès. « J’ai des vaccinés dans ma famille, et eux aussi trouvent cette règle très étonnante », grince Anthony, qui dit ne pas avoir eu « envie » ni « senti le besoin » de passer par la case piqûre depuis plus de deux ans. « Franchement, c’est inexplicable ! Si vous êtes vacciné et que vous allez aux États-Unis, vous pouvez quand même y amener le virus », tonne le jeune Belge. « Aucune raison d’obliger à la vaccination contre le Covid-19 » L’épidémiologiste Antoine Flahault partage cette incompréhension, sur un plan purement « scientifique ». « Il n’y a aucune raison d’obliger à la vaccination contre le Covid-19 aujourd’hui, car le vaccin ne permet pas d’éviter l’infection et l’on n’a aucune idée de la durée durant laquelle il réduit la transmission après la dernière injection », pointe le directeur de l’Institut de santé globale de Genève. Néanmoins, « culturellement, les Nord-Américains ont facilement recours à la vaccination obligatoire, pas seulement dans le domaine du Covid-19 », rappelle-t-il. Par exemple, tout étudiant doit être immunisé contre de nouvelles maladies pour s’inscrire à l’université aux États-Unis. Celle de l’Indiana avait même imposé la vaccination contre… le Covid. L’obligation vaccinale pour les étrangers outre-Atlantique est aussi jugée « obsolète » par l’ « U.S. Travel Association », le lobby de l’industrie du voyage. Quand prendra-t-elle fin ? Sans doute bientôt. La Chambre des représentants a voté un texte en ce sens le mercredi 8 février, mais le dernier mot reviendra à la Maison-Blanche. La date du 10 avril « au plus tôt » a été annoncée dès le mois de janvier, puis a été évoquée celle du 11 mai, lorsque l’état d’urgence sanitaire prendra fin aux États-Unis. Martin, trentenaire parisien, a lui préféré prendre les devants et reporter au mois de juillet le voyage en Californie qu’il rêve de faire avec deux copains depuis qu’ils se sont connus à la fac, « par précaution ». Lui n’est pas vacciné, mais ses deux amis le sont. « J’espère vraiment que la règle va disparaître d’ici là, sinon ils vont me détester », lâche-t-il en rigolant.